"Il a disparu du jour au lendemain" : dans le Tarn, un vignoble fantôme hante le village de Montels
Un vigneron de Montels, près de Gaillac, s’est volatilisé. Depuis deux ans, les 25 hectares de vignes du Château d’Arlus sont à l’abandon. Voisins et élus s’en inquiètent.
Situé sur les deuxièmes terrasses argilo-calcaires de la rive droite du Tarn, ce terroir, particulièrement gâté par la nature, produit des vins blancs magnifiques. Mais ici, sur les terres du château d’Arlus tout n’est plus que désolation.
Le spectacle est affligeant : ceps de vignes à l’abandon d’où pendent des grappes de raisins pourries, arbustes qui poussent entre les rangées au milieu d’herbes folles. « Vous risquez de croiser un sanglier mais le propriétaire des lieux » s’amuse un promeneur.
Qu’est devenu Lucien Schmitt, ce vigneron d’origine alsacienne, installé depuis l’an 2000 ? « Il a disparu du jour au lendemain, sans laisser d’adresse », indique Ludovic Rau, le maire de Montels. « Je lui ai envoyé de nombreux mails, sans jamais de réponse », poursuit-il. Dans le village, les rumeurs vont bon train pour expliquer le départ de ce vigneron dont les vins blancs ont été régulièrement mis à l’honneur dans le guide Hachette des Vins.
"Le début des emmerdes"
Une séparation avec sa compagne en serait à l’origine. « Il est dans un Ehpad en Allemagne », rapporte un proche voisin. Des propos invérifiables. Son compte Facebook ne donne guère plus d’indices. Le dernier message posté date du 18 juillet 2021. Il remerciait en allemand ceux qui lui avaient souhaité son anniversaire. Il est déconseillé d’aller fouiner sur le site internet du domaine : « Attention ! Si vous accédez à ce site, des attaquants pourraient saisir des informations comme mots de passe, emails, ou données de cartes bancaires », prévient votre navigateur internet.
Nous daterons les premiers gros ennuis de « Lulu », comme l’appellent ses amis Facebook, au mois de juillet 2013. Une nuit, le bâtiment récemment construit pour le stockage et l’étiquetage des bouteilles de son domaine s’est écroulé sur lui-même. Un défaut de construction avec une perte du stock évalué à l’époque à 250 000 €. « Le début des emmerdes et des dettes », croit savoir un viticulteur. « Je reçois régulièrement des plaintes d’autres domaines », souligne le maire.
"C’est comme abandonner ses enfants !"
Au Domaine Vayssette, on est catégorique : « Il faut que ces vignes soient arrachées. Elles sont à l’abandon, ni taillées, ni traitées. L’an dernier, on a alerté le préfet qui est venu constater sur place. C’est préoccupant car il y a des obligations de traitement contre la flavescente dorée ».
À Broze, même préoccupation pour Nathalie Caussé du domaine de Gayssou : « Nous sommes situés à 500 mètres à vol d’oiseau. Le risque de contamination de la flavescente est réel. 500 mètres, c’est facile à franchir pour les cicadelles qui sont des petits papillons », dit-elle avant d’insister : « Il y a danger pour les vignes du voisinage ».
Un ennui n’arrivant jamais seul, à Montels, un autre domaine bat sérieusement de l’aile : « Il est mal entretenu. En clair, sur ma commune actuellement sur 80 hectares de vignes, la moitié est à l’abandon ». Il reste, dans ce village, des domaines pour produire des vins bios réputés pour leur grande qualité. « Mais, toutes ces friches ne donnent pas une bonne image de notre terroir », regrette Florent Martin, le vigneron de Florybelle.
"C’est grave", se désole le vigneron Bernard Plageolles. "Abandonner ses vignes, c’est comme abandonner ses enfants !"
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