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Pantouflage

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Le terme de « pantouflage » désigne de manière familière le fait pour un haut fonctionnaire d'aller travailler dans une entreprise privée.

Le pantouflage, notamment quand il ne se fait pas dans la plus grande transparence, pose des problèmes éthiques et déontologiques liés au mélange des sphères privées et publiques, et des sphères de l'intérêt général et des intérêts particuliers ou de grandes entreprises. Il est source de situation de conflits d'intérêts.

On retrouve également le terme de « rétropantouflage » qui désigne le passage d'un employé du secteur privé vers le public, indépendamment du fait que ce dernier ait, ou non, déjà travaillé par le passé au sein du secteur public.

Origine du mot

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À l'origine, le mot « pantoufle » désignait, dans l'argot de l'École polytechnique, le renoncement à toute carrière de l'État à la fin des études. La « pantoufle » s'opposait théoriquement à la « botte ». Ceux qui « entraient dans la pantoufle », les « pantouflards », avaient le titre d'« ancien élève de l'École polytechnique » et renonçaient à celui de « diplômé de l'École polytechnique »[1]. Plus tard, le terme a également désigné le montant à rembourser en cas de non-respect de l'engagement décennal (comparable au dédit-formation des entreprises privées).

C'est assez souvent l'entreprise recrutant l'élève en fin d'études ou le fonctionnaire qui s'acquittait de la pantoufle[2].

Le terme « pantouflage » s'applique aussi aux personnalités politiques qui, à la suite d'un échec électoral ou de la perte d'un portefeuille ministériel, occupent un poste grassement rémunéré dans une entreprise privée, avec des responsabilités limitées, s'arrêtant généralement à du lobbying, en attendant l'occasion de revenir sur la scène politique[3].

André Malraux, dans le roman de 1933 La Condition humaine, évoque son héros Ferral, affrontant les représentants de la haute fonction publique et des banques privées, et « l’accueil favorable que les fonctionnaires trouvent dans la banque auprès de leurs anciens collègues lorsqu’ils quittent le service de l’État[4]. »

Parmi les policiers, gendarmes et douaniers, on appelle familièrement « tricoche » la reconversion dans une entreprise privée (entreprise privée de sécurité, société de renseignement privée (SRP), médiaetc.) ou à son compte (enquêteur privé, détective…). Le terme est plus large que « pantouflage », qui concerne les postes très bien rémunérés et/ou peu exigeants, et est également utilisé quand un fonctionnaire encore en activité monnaye les connaissances recueillies dans son exercice professionnel[5],[6], notamment quand un policier réalise une planque en dehors de ses heures de service, accède au STIC ou annule un PV[7].

Estimations

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En , la revue ENA-mensuel estime que sur 4 400 anciens élèves de l'ENA, 737 travaillent dans le privé, et dans le public 6,1 % appartiennent au Conseil d'État, 8,3 % à la Cour des comptes et 18,8 % à l'Inspection des Finances. La même année, le corps des Mines enregistre 16,8 % de pantouflage et le corps des Ponts et Chaussées, 14,7 %.

De sa création jusqu'en 2015, 80% des énarques ont poursuivi une carrière exclusivement administrative. Ce chiffre varie selon les corps de l’État : 55% des inspecteurs des Finances ont pantouflé sur cette période[8]. Le rapport Que sont les énarques devenus ?, publié sous la direction de Nathalie Loiseau, au sujet de toutes les promotions entre 1980 et 2000, montre que 78% des énarques sur la période n'ont jamais exercé de responsabilités en entreprise, et que 74% ne figurent pas dans le Who's Who in France. Seuls 8% des énarques ont durablement quitté l'État[8]. L'étude des trajectoires de la promotion Voltaire de l'ENA montre que 67% des étudiants n'ont jamais pantouflé, et moins de 50% dispose de notice dans le Who's Who[8].

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique note que les passages de responsables publics vers le privé ont augmenté de 89% en 2022. Les ex-ministres d’Emmanuel Macron sont particulièrement concernés[9].

En Allemagne

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Le pantouflage est décrit comme une pratique courante dans la vie politique allemande[10],[11].

En Espagne, 40 % des ministres (pour la période 1977-2016) ont rejoint des conseils d’administration et des directions d’entreprises privées[12].

Au Royaume-Uni

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Au Royaume-Uni, plus d'un quart des députés conservateurs en fonction en 2021 travaille en parallèle dans le secteur privé[13]. La moitié des ministres en fonction sous les gouvernements Boris Johnson et Theresa May ont également pantouflé après avoir quitté le gouvernement[14]. Quelque 50 % des Britanniques se déclarent favorable à l'interdiction pour un député en fonction de travailler simultanément dans le secteur privé, contre 20 % qui y sont opposés[13].

Le délit de pantouflage

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Le terme « pantouflage » prend en particulier un sens très péjoratif lorsqu'il s'applique à des fonctionnaires qui passent d'une administration exerçant un contrôle sur une industrie ou lui passant des commandes, à une entreprise de cette industrie.

En France, de tels mouvements sont maintenant[Depuis quand ?] encadrés par la loi de manière précise.

Ainsi, selon l'article 432-13 du code pénal relatif au délit de prise illégale d'intérêt[15] :

« Est puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 , dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, titulaire d'une fonction exécutive locale, fonctionnaire, militaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions. »

La commission de déontologie de la fonction publique est chargée de vérifier qu'un agent de la fonction publique qui postule à un emploi dans le secteur privé l'est de façon légitime. Ses avis sont prononcés à la demande de l'intéressé ou de l'administration gestionnaire qu'il quitte. La commission de déontologie des militaires[16] veille pareillement à la compatibilité des activités privées envisagées par un militaire avec ses fonctions antérieures.

Le , le journal L'Obs indique qu'un décret gouvernemental est en préparation et a pour but de faciliter le passage du public au privé, dans les deux sens, dans des conditions financières avantageuses[17].

Le phénomène de pantouflage existe au Japon où il est nommé « amakudari » (天下り?), littéralement « descente du paradis/ciel » en référence à la descente des dieux shintoïstes sur Terre, et concerne des retraités de la fonction publique continuant leur carrière dans le privé[18]. Le , le gouvernement Asō a adopté une ordonnance visant à encadrer cette pratique via une agence spécialisée dans la reconversion des fonctionnaires retraités, afin que ceux-ci ne négocient pas directement leur embauche (mise en vigueur prévue pour )[19],[20]. Cependant son remplaçant, le gouvernement Hatoyama, a décidé de revenir sur la création de cette agence, pour tout simplement « interdire immédiatement aux ministères et aux agences de placer [les fonctionnaires dans le privé] afin de répondre aux critiques contre l'amakudari et pour réduire les gaspillages administratifs »[21].

Au Québec, une loi sur le lobbying[22] interdit qu'un ancien directeur général ou directeur général adjoint d'une municipalité effectue des activités de représentation auprès de celle-ci. Ils ne peuvent pas non plus utiliser des informations obtenues dans leur ancien poste au profit d'une autre entreprise[23]. Cependant aucune loi n'interdit à des fournisseurs de la municipalité d'employer ces anciens fonctionnaires.

Au Mexique, un décret récent interdit aux présidents, secrétaires d'État, sous-secrétaires, directeurs d'agences, de travailler au moins dix ans dans des entreprises privées qu'ils ont « supervisées, réglementées ou sur lesquelles ils ont obtenu des informations privilégiées » pendant leur mandat public. Mais la Cour suprême a jugé le la loi inconstitutionnelle car l'impact sur la liberté de travail est « disproportionné, inutile et injustifié ». Des lois similaires pour d'autres fonctions publiques imposent un délai de 3 ans[24].

Rétropantouflage

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On parle aussi de rétropantouflage ou rétro-pantouflage[25],[26] dans le cas de hauts fonctionnaires ayant fait leurs armes dans les cabinets ministériels, étant ensuite parti « pantoufler » dans le privé avant de revenir servir l'État dont ils pourraient éventuellement espérer, en échange de ce retour, qui peut être pour eux un « sacrifice » financier, un poste important. Emmanuel Macron, inspecteur des finances ayant travaillé pour la Banque Rothschild avant d'entrer au gouvernement en 2014 et devenir Président de la République trois ans plus tard, constitue un cas emblématique de rétro-pantouflage[27].

Notes et références

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  1. Albert-Lévy et G. Pinet L'argot de l'X illustré par les X Préface d'Armand Silvestre, Emile Testard, Paris, 1894, xiii + 327 p., p. 218-220.
  2. Fabrice Mattatia Dictionnaire d'argot de l'X. Tout sur le langage des polytechniciens, 2e édition, Lavauzelle 2004. Les droits des pantouflards. Le remboursement de la pantoufle n’est aujourd’hui exigé que dans des cas exceptionnels (C.B. et A.J., « Pantoufle, pantouflage et pantouflards », Le Figaro, 15 octobre 2007).
  3. « Pantouflages et collusions entre la fonction publique et le monde des affaires », sur Pantoufle Watch, (consulté le )
  4. La critique de la haute administration par Malraux n’a pas pris une ride
  5. Jacky Durand, « Opération « tricoche » pour anciens flics », Libération, 2 mai 2005.
  6. Philippe Madelin, « De la « tricoche » à la privatisation du renseignement policier », Rue89, nouvelobs.com, 24 mars 2008.
  7. Eric Pelletier, « Quand les flics vendent leurs infos », sur L'Express,
  8. a b et c Pierre Birnbaum, Où va l’État ? : Essai sur les nouvelles élites du pouvoir (ISBN 978-2-02-137757-6 et 2-02-137757-1, OCLC 1027789078)
  9. « Au sein de l’Etat, les passages du public vers le privé prospèrent », sur Libération,
  10. Pierre Rimbert, « Parti pantouflard, section allemande », sur Le Monde diplomatique,
  11. Olivier Cyran, « M. Joschka Fischer et les « golden Grünen » », sur Le Monde diplomatique,
  12. (es) Raúl Sánchez, Belén Picazo, « El 40% de los ministros de la Democracia se ha pasado a una gran empresa », sur ElDiario.es,
  13. a et b (en) « At least a quarter of Tory MPs have second jobs, earning over £4m a year », sur the Guardian,
  14. (en) « Half of Tory ex-ministers take jobs in sectors relevant to former department », sur The Guardian,
  15. « Article 432-13 du code pénal », sur Legifrance.gouv.fr (consulté le )
  16. « Article L4122-5 du code de la défense : Créé par loi no 2016-483 du 20 avril 2016 - art. 3 (V) », Journal officiel,‎
  17. Vincent Jauvert, « Comment le gouvernement va favoriser le "pantouflage" des hauts fonctionnaires », L'Obs,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. Colignon, Richard A. et Chikako Usui « Amakudari: the Hidden Fabric of Japan's Economy », Cornell University Press, 2003, 224 pp. (ISBN 0801440831), 9780801440830.
  19. « Le Japon va interdire aux fonctionnaires de "descendre du ciel" », sur Aujourd'hui le Japon, (consulté le )
  20. « Les «descentes du ciel» seront interdites au Japon », sur lapresseaffaires.cynerpresse.ca, (consulté le )
  21. « Le gouvernement japonais s'attaque à la reconversion des fonctionnaires dans le privé », sur Aujourd'hui le Japon, (consulté le )
  22. Loi québécoise sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme sur le site du Commissaire au lobbyisme du Québec
  23. Entrevue avec le directeur général de la Ville de Montréal sur Cyberpresse, 29 août 2009
  24. « Cour Suprême du Mexique: l'interdiction de pantouflage pour les anciens présidents jugée excessive », sur Newsendip, (consulté le )
  25. Cette expression figure dans un article de 2010 du sociologue L. Rouban "[1]"
  26. « Juppé, Besson, Bern… Macron, accusé de procéder à des nominations de complaisance », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. Benoît Collombat, « Du public au privé : le grand manège des hauts fonctionnaires », sur France Inter, (consulté le ).

Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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