DOSSIER. Législatives 2024 : la réforme des retraites de retour dans la bataille des élections

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l'essentiel La très controversée réforme des retraites adoptée par 49.3 le 14 mars 2023 est entrée en vigueur, mais elle revient dans le débat à l’occasion de la campagne des élections législatives. Si la Macronie défend sa réforme, le Front populaire entend bien revenir dessus. Le RN a fait volte-face revient sur sa promesse d’abroger la réforme s’il parvient au pouvoir.

La réforme des retraites est de retour dans le débat public à l’occasion de la campagne des élections législatives. Adoptée sans débat ni vote grâce à l’article 49.3 le 17 mars 2023 après des semaines de manifestations monstres et en dépit de l’opposition d’une écrasante majorité de Français, la réforme repoussant l’âge de départ de 62 à 64 ans et mettant fin aux régimes spéciaux est entrée en vigueur le 1er septembre. Mais depuis, les critiques n’ont jamais cessé, à gauche et au Rassemblement national, notamment lors des dernières élections européennes.

Le revirement du RN

La survenue d’élections législatives inattendues impose à chaque parti de repréciser ses intentions. Du côté du RN, on a assisté cette semaine à une véritable volte-face. Alors que le parti d’extrême droite s’était fermement opposé à la réforme des retraites, Jordan Bardella s’est montré beaucoup plus flou sur une éventuelle abrogation de la loi. « On verra » a lancé celui qui ambitionne de devenir Premier ministre en cas de victoire du RN le 7 juillet. « J’ai la lucidité et l’honnêteté de dire aux Français que la situation économique dont nous allons hériter […] sera compliquée. Par conséquent, nous serons, dans le cadre d’une cohabitation, amenés à faire des choix », a expliqué l’eurodéputé, ajoutant « Je souhaite que tous ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans puissent voir le dispositif de carrières longues renforcé et partir avec 40 annuités. »

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Une position très éloignée de ce que prônait le RN jusqu’à présent. Marine Le Pen avait expliqué qu’en cas de victoire aux législatives, ce serait « évidemment le programme du Rassemblement national » qui serait appliqué ; celui-ci, rédigé pour la présidentielle, voulait maintenir l’âge légal de départ à 62 ans et ramener l’âge de départ à la retraite à 60 ans pour les personnes entrées dans la vie active avant l’âge de 20 ans. « La réforme des retraites ne rapporte pas d’argent, ce n’est pas un enjeu d’équilibre des finances publiques pour 2025 », précisé le député Jean-Philippe Tanguy, chargé des questions économiques au RN. « Je ne vois pas de raison de ne pas appliquer notre réforme puisque c’est au programme de 2022, qui reste notre base », a-t-il assuré.

Solde, dépenses et ressources du système de retraite en part de PIB selon le COR.
Solde, dépenses et ressources du système de retraite en part de PIB selon le COR. COR

Interrogé vendredi sur le flou des positions du RN, Jordan Bardella a expliqué que « la situation économique, budgétaire et financière du pays est dans un état catastrophique. Avant de remonter la pente, nous devons mettre un coup d’arrêt à la glissade dans laquelle nous ont conduits les macronistes. » Il a assuré que sa priorité, s’il devenait Premier ministre, sera « le pouvoir d’achat en baissant la TVA » et promis une réforme des retraites « une fois réglé le temps des urgences ».

La gauche veut abroger

Ce revirement du RN – ou à tout le moins ces atermoiements – a été dénoncé par la gauche. « Jordan Bardella veut maintenir la réforme des retraites des macronistes, contre l’avis de sept Français sur dix. Jordan Bardella est un Emmanuel Macron de rechange pour les grands patrons, plus brutal encore », a raillé Manon Aubry (LFI) tandis que Boris Vallaud, chef de file des députés PS à l’Assemblée nationale, estimait que « l’extrême droite de M. Bardella, ensemble avec les LR de M. Ciotti… sont les alliés objectifs des libéraux de M. Macron. Seul un bulletin de vote de gauche abrogera la brutale réforme des retraites ! »

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De fait, l’abrogation de la réforme des retraites figure bien sur le projet de gouvernement du nouveau Front populaire, présenté vendredi. Si la gauche l’emporte, elle entend abroger la réforme « injuste » en 15 jours. Figure aussi dans le programme l’affirmation d’un « objectif commun » du droit à la retraite à 60 ans.

Macron met en garde contre la banqueroute du système

Du côté de l’exécutif, évidemment, on défend la réforme bec et ongles. Lors de sa conférence de presse de lancement de la campagne des législatives de son camp, mercredi dernier, Emmanuel Macron a fustigé l’irresponsabilité, selon lui, de ses adversaires, « les blocs d’extrême gauche » et « d’extrême droite ». « Que proposent les autres ? De revenir sur la réforme des retraites, c’est-à-dire de supprimer d’abord ce qui a été fait pour les retraités les plus modestes, mais surtout de mettre le système de retraite en banqueroute », a taclé le Président, mentionnant les prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Niant que le gouvernement puisse avoir un « agenda caché », il a confirmé que les retraites resteront « bien indexées sur l’inflation ». « Je vais être très clair les retraites seront bien indexées sur l’inflation, le pouvoir d’achat des retraités, ce n’est pas une variable d’ajustement », a expliqué Emmanuel Macron qui a sans doute bien mesuré le coût de la mesure (15 milliards d’euros en 2024) et le fait que 25 % des électeurs retraités ont voté pour la liste de la majorité présidentielle aux européennes…