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"L’Europe : changer ou périr", un essai de Nicole Gnesotto

L'historienne Nicole Gnesotto, experte des questions européennes et internationales, à travers une longue étude, offre de nombreuses voies quant à l’avenir de l’Union européenne, qui rappelons-le, n’est pas un état. Elle est l'invitée de "Micro européen".

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Illustration de L'Europe la nuit, vue de l'espace. (CONSTANTINE JOHNNY / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

"Prospérité, démocratie, solidarité : tels étaient les trois objectifs de la construction européenne lorsqu’elle commença avec la CECA et les traités de Rome, et tels ils demeurent. Le succès fut pendant longtemps au rendez-vous…"  écrit l'historienne Nicole Gnesotto dans son essai L'Europe : changer ou périr paru aux éditions Tallandier en janvier dernier. 
 
Il est vrai que la création de la CECA fut, après la Seconde Guerre mondiale, une grande avancée quant à la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre. Ici Robert Schumann était le continuateur avec Jean Monnet pour la France de l’idée d’une Europe Unie, voire des États-Unis de l’Europe, comme l’avait proposé Victor Hugo ou d’autres qui, au long de la première moitié du XXe siècle, avaient jeté les bases du concept d’une Europe unie, aussi une Europe politique, mais une Europe avec de nombreuses interrogations, Denis de Rougemont, Louise Weiss, Paul Valéry, le comte Coudenhove-Kalergi, Romain Rolland, Stefan Zweig, Jules Romain, Thomas Mann, Aristide Briand et tant d’autres.

"L’Union européenne, c’est aujourd’hui un bilan plus que positif"

"Au total, même le plus sceptique des citoyens européens ne pourrait nier l’apport considérable de la construction européenne à la prospérité, à la stabilité démocratique et à la solidarité avec les plus démunis, en Europe et dans le reste du monde."

Nicole Gnesotto, historienne

Mais de bilan plus que positif, Nicole Gnesotto tire aussi la sonnette d’alarme en faisant remarquer qu’il ne faut surtout pas s’arrêter à ce constat : "Oui, l’Europe est une référence mondiale. Mais saura-t-elle un jour passer d’un statut de référence mondiale à un rôle d’influence mondiale ? Là est toute la question de l’avenir de l’Union." 
 
La question est posée, car aujourd’hui ce que nous appelons l’Europe doit faire face à une mondialisation forcenée qui enrichit une minorité, et laisse de côté une majorité. La crise financière des années 2010 et la crise pandémique mettent en avant cette réalité qui provoque dans la population européenne un désenchantement. 
 
"C’est d’abord un sentiment de vulnérabilité économique qui frappe une bonne partie des classes moyennes, face à l’accélération d’une mondialisation souvent incompréhensible", précise Nicole Gnesotto, professeure du CNAM, où elle a créé la chaire "Union européenne", vice-présidente de l’Institut Jacques-Delors, spécialiste des questions européennes et de défense. 

Ici, si l’Europe est un géant économique, mais comme il a été souvent dit, un nain politique, l’Europe, soit ses institutions et ceux qui les dirigent, ont omis le concept de géopolitique qui prévaut de nos jours dans toute action politique et économique, voire environnementale. Et c’est bien ce bât qui blesse, car l’absence de géopolitique fait perdre à la construction de l’Union européenne un temps précieux, à une époque où apparaissent des puissances telles que la Chine, une unionRussie-Chine, à venir l’Inde, entre autres. 

"Incertitude, surprise, confusion, les maîtres mots de la géopolitique"

Des mots qui "dessinent un univers de risque maximal sur fond de prévention politique minimale. La confusion touche aussi bien nos stratégies que nos valeurs", souligne l'historienne. C’est la raison pour laquelle l’ouvrage de Nicole Gnesotto s’intitule L’Europe : changer ou périr.

Son inexistence politique ralentit considérablement le chemin de l’Union dans la politique internationale. Et peut-être que ce ralentissement est dû à la lourdeur de ses institutions. Mais, outre la question de la mondialisation, Nicole Gnesotto aborde aussi la question de la défense européenne. Si cette notion demeure un "serpent de mer", il n’en reste pas moins vrai qu’une question apparaît, plus criante aujourd’hui que jamais, la question de l’OTAN et du parapluie américain.

Si le grand allié le demeure, les États-Unis, dès l’ère Obama, par leur politique internationale, montrent aux Européens que leurs intérêts allaient plus vers l’Asie que vers le "Vieux Continent". Question alors, et malgré l’actualité de la crise ukrainienne, l’Europe devra ou pourra-t-elle demeurer sous le parapluie de Washington, et ne devrait-elle pas prendre en main sa défense ? Vaste question qui reste encore aujourd’hui sans réponse, alors que les tensions autour de l’Europe sont réelles. 

 "Le couple franco-allemand est irremplaçable"

Nicole Gnesotto consacre aussi son ouvrage au couple franco-allemand. Est-ce toujours un couple ou plutôt un partenariat comme on l’appelle outre Rhin ? Un seul couple peut-il d’ailleurs garantir la stabilité d’une union de 27 états ?

Un autre couple commence à se dessiner face à une Europe du Nord plutôt germano scandinave et protestante, le couple franco-italien, plus en phase avec une Europe du sud catholico-orthodoxe, une ligne Paris-Rome qui pourrait être à la naissance d’un groupe européen composé de la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, représentant une majorité d’Européens et un vrai poids économique, assurant une gouvernance européenne.

D’ailleurs la question de la forme de gouvernance a très peu été abordée depuis la création de la CECA, ne serait-il pas temps d’y songer sérieusement si cette union d’états veut faire face aux défis présents et à venir ?

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