VIOLENCESAlors que la réforme constitutionnelle patine, des émeutes secouent Nouméa

Nouvelle-Calédonie : Alors que la réforme constitutionnelle patine à l’Assemblée, des émeutes secouent Nouméa

VIOLENCESNouméa est en proie à des troubles « d’une grande intensité » avec notamment des véhicules incendiés et des magasins pillés. Des gendarmes ont également essuyé des tirs
Nouvelle-Calédonie : Après une nuit d'émeutes à Nouméa, un couvre-feu est décrété
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

L'essentiel

  • Alors qu’une réforme constitutionnelle, dénoncée par les indépendantistes, est débattue de façon houleuse à l’Assemblée nationale, des émeutes ont éclaté lundi à Nouméa.
  • Le haut-commissariat de la République de l’archipel a notamment déploré « des destructions de commerces, de pharmacies et de domiciles » et instauré un couvre-feu.
  • Ce mardi, même si la situation est plus calme, de nombreuses barricades restent actives. Le gouvernement calédonien a annoncé la fermeture des lycées et collèges jusqu’à nouvel ordre.

La situation est extrêmement tendue en Nouvelle-Calédonie. Le haut-commissariat de la République de l’archipel a annoncé un couvre-feu pour la nuit de ce mardi à mercredi dans l’agglomération de Nouméa, théâtre de troubles d’une « grande intensité » en écho à l’examen à Paris d’une réforme constitutionnelle dénoncée par les indépendantistes.

Le couvre-feu est décrété de mardi 18 heures à mercredi 6 heures, a annoncé mardi le représentant de l’Etat. « Il pourra être reconduit autant que nécessaire ».

Les indépendantistes mobilisés

Tout rassemblement est interdit dans le grand Nouméa, de même que le transport et le port d’armes et la vente d’alcool dans l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, a indiqué le haut-commissariat, qui invite les quelque 270.000 habitants de l’archipel à rester chez eux.

Les premières altercations avec les forces de l’ordre ont commencé lundi, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle examinée à l’Assemblée nationale, qui vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales. Les opposants critiquent un dégel qui risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».

Un « vrai déchaînement de haine »

Véhicules incendiés, magasins pillés, début de mutinerie de détenus… Le haut-commissaire de la République Louis Le Franc a rapporté mardi « des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes » lors des violences sur la commune du Mont-Dore, au sud-est de Nouméa, au cours de la nuit. Dans les quartiers nord de Nouméa, il a déploré « des destructions de commerces, de pharmacies et de domiciles ».

« Nous avons été confrontés depuis plus de vingt-quatre heures à un vrai déchaînement de haine, un déferlement de jeunes souvent alcoolisés, manifestement manipulés et d’une violence assez inouïe », a regretté le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie. Selon le haut-commissariat, 36 gendarmes ont été blessés et 48 personnes interpellées.

L’indépendantiste Louis Mapou appelle « au calme et à la raison »

Le président indépendantiste du gouvernement de ce territoire, Louis Mapou, a pour sa part appelé « au calme et à la raison ». Mais, dans la crainte d’un enlisement, le Raid, quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés. Quinze renforts du GIGN devaient être également envoyés à Nouméa.

Les autorités sont particulièrement concernées par une usine incendiée située à l’entrée de la ville et dans laquelle une trentaine d’émeutiers sont retranchés ce mardi. Les pompiers de Nouméa ont pour leur part dit avoir reçu près de 1.500 appels dans la nuit de lundi à mardi et être intervenus sur environ 200 feux. Selon un regroupement patronal, une trentaine de commerces, d’usines et d’autres entreprises ont été incendiés.

Ce mardi, même si la situation est plus calme, de nombreuses barricades restent actives. Le gouvernement calédonien a donc annoncé la fermeture des lycées et collèges jusqu’à nouvel ordre. L’aéroport international est fermé et la compagnie Aircalin a suspendu ses vols pour la journée.

Débats houleux à l’Assemblée

A Paris, les discussions patinent. Les députés reprendront ce mardi après-midi l’examen houleux du texte visant à élargir le corps électoral propre au scrutin provincial de Nouvelle-Calédonie, un point sensible qui ravive les tensions entre loyalistes et indépendantistes.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a appelé les députés à adopter sans modification cette réforme, qui ouvre le scrutin provincial calédonien aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l’île. Mais, alors qu’un vote solennel était normalement prévu mardi après-midi, les débats n’ont pas pu être menés à leur terme dans la nuit, en raison du nombre d’amendements déposés notamment par le groupe LFI.

Macron veut « privilégier le dialogue »

Après celle du Sénat, l’approbation de l’Assemblée est nécessaire pour faire cheminer ce texte, avant de réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer. Prônant l’apaisement, Emmanuel Macron a promis dimanche de ne pas convoquer le Congrès « dans la foulée » du vote de l’Assemblée, selon son entourage, pour « privilégier le dialogue ».

Toujours en quête d’un accord institutionnel global, Gérald Darmanin a, lui, assuré que les parties prenantes locales seront invitées « rapidement » à Paris pour « discuter autour du Premier ministre, autour du gouvernement ». Mais cette « main tendue » est, selon lui, pour le moment « refusée » par le camp indépendantiste.