addiction« Je ne peux plus dormir sans »… Elles sont devenues accros au tramadol

« Sans tramadol, je ne peux plus dormir »… Elles sont devenues accros après une prescription de leur médecin

addictionLe tramadol est un puissant analgésique prescrit lorsque le paracétamol ou les anti-inflammatoires ne suffisent pas face aux douleurs. Une molécule à laquelle de nombreux Français sont accros. Parmi eux, Hannah et Adeline
Des comprimés de tramadol, un puissant antidouleur.
Des comprimés de tramadol, un puissant antidouleur. - R. Bloch/Sipa / Sipa
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Le tramadol est un puissant analgésique prescrit lorsque le paracétamol ou les anti-inflammatoires ne suffisent pas à calmer les douleurs.
  • Parce qu’il est très addictif, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a demandé aux laboratoires pharmaceutiques de réduire la taille des boîtes, afin de limiter l’accoutumance de nombreux Français. Parmi eux, Hannah et Adeline.
  • « Si je ne le prends pas, je tremble, je transpire à grosses gouttes et j’ai une boule de stress qui monte dans ma gorge », confie Hannah, 23 ans, qui souffre de nombreux problèmes de santé et de douleurs chroniques.

«J’en suis arrivée à un niveau où, si je ne le prends pas, je tremble, je transpire à grosses gouttes, et j’ai une boule de stress qui monte dans ma gorge. » Hannah a 23 ans et souffre d’une addiction au tramadol, un puissant analgésique prescrit lorsque le paracétamol ou les anti-inflammatoires ne suffisent pas à calmer les douleurs.

Parce qu’il est très addictif, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a demandé aux laboratoires pharmaceutiques de réduire la taille des boîtes, afin de limiter l’accoutumance de nombreux Français. Parmi eux, Hannah, donc, mais aussi Adeline. Elles nous ont raconté leur histoire.

Adeline, 33 ans

En 2019, Adeline commence à ressentir d’importantes douleurs dans le dos. Elle se rend chez son généraliste qui lui prescrit en quelques minutes, sans aucune mise en garde, un traitement dont elle n’a jamais entendu parler. Du tramadol. Elle lui fait confiance et commence le traitement.

« Un sentiment de plénitude, de béatitude que je n’avais jamais ressenti auparavant » »

Dès la première prise, au bout d’une heure, elle ressent des nausées, mais aussi une agréable sensation. « Un sentiment de plénitude, de béatitude que je n’avais jamais ressenti auparavant. » La jeune femme a deux enfants, un fiancé et un moral en berne en raison de soucis familiaux. Avec le tramadol, elle ressent une sorte de « vide mental » qui lui plaît. A la fin du traitement, alors qu’il lui reste encore quelques plaquettes, elle continue à prendre son cachet quotidien. « Le problème c’est qu’au bout de deux, trois heures, l’effet s’estompe et la réalité et le stress reviennent. » Elle a alors un seul mantra en tête : « vivement demain ». Progressivement, l’addiction s’installe.

Son compagnon se voit prescrire à son tour du tramadol par le même médecin. Il retire les trois boîtes en pharmacie mais décide finalement de ne pas les prendre. Adeline les ouvre alors en cachette. Pendant trois mois, elle avale un comprimé quotidiennement, parfois coupé en deux prises pour « faire durer le plaisir ». Son conjoint ne s’en rend pas compte. Jusqu’au jour de trop.

« A chaque comprimé, je ne ressentais plus du tout de bien-être mais je le cherchais encore » »

« Je me suis sentie très mal d’un coup, j’ai commencé à avoir des bouffées de chaleur, j’avais la sensation d’être en train de mourir. » La mère de famille fonce aux urgences. Verdict : une grosse crise d’angoisse. « Je ne leur ai jamais dit que je me droguais, mais j’ai compris que le cercle vicieux tentait de m’avaler. J’avais quasiment fini mes boîtes et cela m’angoissait. A chaque comprimé, je ne ressentais plus du tout de bien-être mais je le cherchais encore. »

La jeune femme décide alors d’en parler à son conjoint et d’arrêter le tramadol. Le sevrage, seule, est rude. « J’avais des angoisses, des sueurs, je faisais des cauchemars », se remémore Adeline. Elle se confie ensuite sur son addiction auprès de ses frères et sœurs. « Ils avaient remarqué que je n’allais pas bien. » Ils l’épaulent, sans jugement, et la félicitent lors qu’elle décide d’entamer une thérapie, bien après son sevrage.

« Pour moi, maintenant, tout ce qui enlève la douleur est suspect » »

Si cette histoire est aujourd’hui loin derrière elle, Adeline n’est toujours pas sereine vis-à-vis de certains médicaments. « Pour moi, maintenant, tout ce qui enlève la douleur est suspect, à part le doliprane. » Bien qu’elle souffre de douleurs chroniques, elle refuse tout traitement opiacé ou pouvant entraîner des dépendances. Son nouveau médecin, à qui elle a tout raconté, lui a prescrit des crèmes antalgiques et l’a orientée vers une thérapeute si elle en éprouvait le besoin. Sur son dossier, il est écrit que les opioïdes lui sont désormais proscrits. « J’aurais aimé être au courant avant », regrette-t-elle, amère.

Hannah, 23 ans

Hannah vient d’entrer dans la vingtaine mais a déjà une liste de problèmes de santé longue comme le bras. Mucoviscidose, spondylarthrite ankylosante, côlon nécrosé… Elle vit au quotidien avec d’intenses douleurs dans le bas du dos, le cou et le pancréas, « comme des petits coups de couteau ». Dès qu’elle mange, qu’elle boit, qu’elle marche. « La péridurale n’a pas fonctionné pendant mon accouchement, et les contractions n’étaient rien par rapport à mes douleurs quotidiennes. »

A 19 ans, elle est hospitalisée pendant un an et enchaîne trois opérations. Les médecins la mettent sous morphine, un antidouleur auquel elle devient rapidement accro. A 20 ans, elle tombe enceinte, et les médecins réduisent progressivement la dose. Seulement, pendant sa grossesse, elle développe plusieurs pancréatites et souffre le martyre. « Ils m’ont mise sous tramadol parce qu’ils ne voyaient pas d’autres solutions. »

« Si je ne le prends pas, je tremble, je transpire à grosses gouttes » »

L’antidouleur calme sa douleur physique, mais aussi psychique. « J’ai fait une grosse dépression du post-partum, et le tramadol me permettait d’échapper à la réalité et d’oublier ma maladie. » Au bout de trois, quatre mois, la molécule ne suffit plus à atténuer ses crises, mais Hannah continue à la consommer plusieurs fois par jour. « Je le prends pour me rassurer parce que je sais que cela ne fonctionne pas. »

Progressivement, la jeune femme tombe dans l’addiction. « J’en suis arrivée à un niveau où, si je ne le prends pas, je tremble, je transpire à grosses gouttes et j’ai une boule de stress qui monte dans ma gorge. Sans tramadol, je n’arrive plus à dormir. »

« Je veux arrêter mais je sens que mon corps n’est pas du même avis » »

Son mari est au courant de sa dépendance et contrôle sa prise de médicaments, notamment quand elle doit garder leur fille. « Malheureusement il ne peut rien faire de plus », déplore la jeune femme. Hannah aimerait arrêter, réussir à dormir naturellement, reprendre une vie active normale. Elle est suivie par une psychologue à l’hôpital qui lui apporte « beaucoup de soutien ». « Elle me dit d’y aller à mon rythme. » Elle attend un rendez-vous avec un médecin de la douleur pour mettre en place un sevrage. « Je veux arrêter, mais je sens que mon corps n’est pas du même avis. »

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